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Fabien Polair : Le Retour, 17 Ans Après l’Éclipse

Dix-sept ans. Dix-sept putains d’années que Fabien Polair avait rangé sa guitare au placard des illusions perdues, du moins côté albums. Après ce Crossroads, Middletown qui nous avait laissé sur notre faim, on commençait à croire que le bonhomme s’était évaporé dans le triangle des Bermudes de la vie de famille. Et puis, paf ! Surgit Love, Loss & Side-Tales of Recovery, comme un signal inattendu au milieu des ondes saturées.

Dès les premières mesures de Momentum, le truc est clair : Polair n’est pas revenu pour faire de la figuration. « Let’s talk about being late », balance-t-il d’emblée. La question est posée, sans fioritures : retard coupable ou retraite stratégique ? C’est le genre d’interrogations qui font les bonnes chansons, celles qui ne te lâchent pas.

Strange Times lâche un premier morceau du puzzle : « I need to keep looking after our family ». Ah, la famille, ce doux piège qui transforme les rock stars en pères modèles et les studios d’enregistrement en salles de jeux. Fini Londres, les nuits blanches et les effluves de bière tiède. Le voilà rangé des voitures, dans le sud de la France, avec femme et enfants. Settle Down, titre prophétique de son précédent disque, prend ici tout son sens, comme une blague cosmique un peu amère.

Attention, le silence discographique n’a pas rimé avec hibernation artistique. Pendant qu’on l’attendait, Polair a joué les francs-tireurs avec SoftSuns, distillant trois singles comme des éclats de comète. Preuve que même quand on se cache, la musique trouve toujours un chemin.

Un Spectre Sonore Élargi : De Neil Young à Ride, en Passant par Trump

Musicalement, ce nouvel opus est un serpent à deux têtes. D’abord, tu penses que Polair a viré Americana, avec cet harmonica et cette pedal steel sur Momentum qui te rappellent les grandes heures de Neil Young ou des Jayhawks. Une douce mélancolie, un parfum de routes poussiéreuses et de ciels infinis. Mais très vite, la bête révèle son vrai visage. Dix titres, dix explorations, une palette sonore qui explose les cadres. C’est ça, la maturité, non ? Ne pas se contenter des recettes éculées.

L’amour, la perte, la guérison… La trilogie classique, certes, mais ici, elle est traversée par des secousses telluriques. Momentum est un combat de coq entre l’incrédulité et l’obstination, une montée en puissance qui te prend aux tripes. Et puis, il y a Sweet Christmas Dream, ce premier single balancé en novembre dernier, une ode à la quiétude retrouvée, aux carillons angéliques, au cocooning version rock. Presque trop beau pour être vrai.

Pour Polair, ces dix-sept années, c’est juste « la vie ». Rien de plus, rien de moins. Une banalité qui cache des abîmes. Diadems, avec sa pop noisy qui flirte avec les spectres de Ride, c’est un hymne à la persistance de l’amitié, ce fil invisible qui nous relie aux autres. « I have tidied up my stones, all that’s left is diadems », balance-t-il, comme une leçon apprise à la dure. Une constante chez lui, depuis ses débuts avec UNaware.

Et là, tu te prends Experiment en pleine tronche. Le morceau qui te retourne le cerveau. Ça démarre en mode Cure période Pornography, arpèges éthérés, basse lancinante. Et puis, BAM ! Le refrain explose, une déflagration Pixiesque, basse vrombissante et guitares saturées en mode tronçonneuse. La voix de Polair, brute, écorchée, te balance un « Life’s an experiment » qui résonne comme un constat douloureux, le fruit des blessures passées. C’est ça, le Polair qu’on aime : le type qui n’a pas peur de se mettre à nu.

Et puisque la vie ne se résume pas aux sentiments, Nothing marque un retour à un engagement politique subtil, mais cinglant. Comme sur son album Circumstances of the Present World, Polair pioche dans les déclarations de Donald Trump pour en faire une relecture acide de notre époque. Un miroir déformant, mais terriblement juste.

La Route 281 et le Soleil Retrouvé : Une Quête de Sérénité

Le Polair intime n’est pas en reste. Little Weight, avec son piano mélancolique, te transporte direct sur la Route 281 américaine, au milieu de paysages désolés, propices aux grandes introspections. Strange Times et Desperate Hours, eux, te rappellent la finesse mélodique de Leonard Cohen et la délicatesse des Kings of Convenience, avec leurs arpèges de guitare classique. C’est ça, la force de Polair : passer du bruit à la dentelle, sans jamais perdre le fil.

Et puis, le coup de grâce : Sunshine. Ukulélé en bandoulière, riff entêtant, une ambiance estivale qui te fait instantanément penser aux jours heureux. C’est sa déclaration d’amour, lumineuse, optimiste. « I’ll keep that sunshine with me now, and for the rest of my life ». Une promesse, une résurrection.

Fabien Polair signe là son meilleur album, ni plus ni moins. Dix-sept ans pour digérer la vie, les chutes et les rebonds (« One day you fall, the next you float »), pour trouver enfin ce putain de chemin du retour à la maison (« And I feel I’m finally home »). Et l’optimisme qu’il dégage laisse entrevoir de nouvelles explorations sonores. On l’espère, cette fois, sans attendre une autre éclipse.

Alors, ce retour, une vraie bonne surprise ou juste un feu de paille ?

 


Focus sur: Momentum

Ah, Polair ! Un nom qu’on croyait remisé dans les archives poussiéreuses des souvenirs mélancoliques, et voilà qu’il ressurgit avec Momentum. Ce n’est pas n’importe quel titre, mes amis, c’est une pièce forgée en 2008, au cœur de la tournée d’un album déjà culte, Crossroads, Middletown. Et croyez-moi, loin d’être un reliquat du passé, cette chanson arrive aujourd’hui avec une résonance qui nous percute de plein fouet. Elle n’est pas juste “de l’époque”, elle incarne l’essence même de l’Americana et du folk indépendant, cette veine pure, cette sève qui irrigue les racines de la musique sincère. Les arrangements ? Un chef-d’œuvre de délicatesse : des guitares folk qui caressent l’âme, un harmonica qui ne pleure pas, mais murmure les secrets du temps, et la somptuosité d’une pedal steel qui élève le tout vers des cimes émotionnelles.

Momentum, au-delà de sa parure sonore, nous plonge dans l’intimité la plus profonde de Polair. C’est une introspection, oui, mais loin des lamentations convenues. C’est une radiographie des amours passées, une dissection sans anesthésie des cœurs qui se sont croisés. Cette ligne, ce cri presque : “Let’s talk about being late, out of place, miss the momentum”. Ce n’est pas de la frustration, c’est la lucidité déchirante de celui qui a manqué un tournant crucial, mais qui, en le reconnaissant, en fait une force. Un train manqué ? Non, une prise de conscience qui transcende le regret.

Les couplets, eux, se déploient avec une honnêteté si brute qu’elle en devient sublime. Pas de fard, pas de faux-semblants. “It’s not too hard to admit / It’s just tough to swallow / When everything you believed true / Is just daydreams overgrown”. Voilà la vérité, celle qui claque et qui libère. C’est la fin des illusions, non pas pour sombrer, mais pour renaître sur des bases plus solides. Et cette lutte pour lâcher prise sur le passé ? “It’s just a case of remembering / You’ve got to let go”. Une injonction à la fois simple et d’une complexité existentielle saisissante. C’est la sagesse du vagabond, celle qui sait que pour avancer, il faut parfois brûler les cartes.

Le refrain, ce n’est pas une tentative “désespérée”, c’est une persévérance acharnée, une réaffirmation de soi face à l’adversité : “Yet you try / To do it yourself / To do it your way / Though there’s no point in even trying”. L’échec potentiel y est, mais il est sublimé par l’acte même d’essayer, par la volonté inébranlable de se forger son propre destin, même quand le chemin est semé d’embûches. C’est l’essence même de la résilience, une ode à l’esprit humain qui refuse de capituler.

Et enfin, la question finale, loin d’être lancinante, est une confrontation audacieuse : “Is there still room to breathe / In this inferno? / When your life burns on both ends / There’s nowhere left to go”. Ce n’est pas un cri d’accablement, mais un défi lancé au destin, une interrogation sur la survie de l’âme dans le brasier de l’existence. Polair ne se lamente pas, il interpelle, nous obligeant à nous regarder en face, à trouver notre propre espace vital même dans le chaos.

Momentum n’est pas juste le morceau d’ouverture de Love, Loss & Side-Tales of Recovery, c’est une déclaration. Un manifeste musical qui non seulement donne le ton, mais promet un voyage intérieur d’une rare intensité, un pèlerinage sonore qui s’annonce non pas émouvant, mais carrément cathartique. Allez-y, écoutez ça sur toutes les plateformes. Vous ne le regretterez pas. C’est Polair, en pleine lumière.


Focus sur: Diadems

Le titre Diadems est une chanson avec une histoire, initialement conçue du temps de l’ancien groupe de Fabien, UNaware sous le titre Call It A Call. Cette version actuelle présente des paroles entièrement nouvelles. Le fond musical offre des allusions au noisy pop et au shoegaze, rappelant des groupes comme Ride, avec une sensibilité moderne qui pourrait être comparée à celle de Bill Callahan (“My Friend” de son album de 2009 “Sometimes I Wish We Were An Eagle”).

Le cœur lyrique de Diadems marque un départ thématique significatif par rapport à certaines chansons de Crossroads, Middletown. Tandis que les titres précédents exploraient une désillusion sous-jacente, Diadems trace une voie vers la résilience et la prise en main de sa vie. La lutte est reconnue directement : “Bad old fears don’t disappear / We try to hide them, they can’t be buried”, mais cela est confronté à une détermination résolue : “I’ll push my demons out of reach / And make anxiety go away”.

Les paroles de Polair sont une acceptation ouverte de la gratitude : “My friends, your love is all around me / I’m so blessed for all these years by your side”. Il reconnaît comment ces relations ont offert un soutien crucial : “I know you always saw through the cracks / Help carry that solitude so heavy and vile”.

Diadems se présente finalement comme une déclaration poignante et optimiste, un hommage sincère au pouvoir durable de l’amitié et à son rôle dans la navigation des défis de la vie.

Diadems est le troisième titre du nouvel album Love, Loss & Side-Tales of Recovery, disponible dès maintenant sur toutes les plateformes de streaming.


Little Weight : L’Évidence Qui Vous Tord le Ventre

Il y a des morceaux qui arrivent sans crier gare et qui, d’emblée, s’installent. Little Weight de Polair est de cette trempe. On nous dit que ça vient d’une histoire mexicaine de 2009. Peu importe. Ce qui compte, c’est ce qui se passe quand le son démarre. Ça vous prend, avec une ambiance à la fois douce et ce je-ne-sais-quoi de poignant, qui vous enveloppe et vous invite à vous paumer dans vos propres limbes. C’est foutrement bien fait, ce truc : un piano qui respire la mélancolie, les maracas qui frôlent, à peine audibles, et puis cette guitare classique, façon bossa, qui dessine des arabesques d’une élégance folle. On pense à Kings of Convenience, oui, mais avec une texture, un grain qui est juste Polair.

Le coup de génie de Little Weight, c’est sa manière de raconter sans forcer. C’est l’histoire des fardeaux qu’on trimbale en douce, de cette envie de tout balancer, de se tirer, et de cette drôle d’affection qu’on finit par porter à ce qui nous entrave. Les paroles, elles claquent, brutes et justes : “She’s got a weight on her shoulders / She won’t tell, won’t say a word / Just ask me / To take her to the river…” On sent cette dignité âpre face à la charge. Et puis, il y a cet appel du large, presque un cri : “Take me down 281 she said / Stop in dusty motels in Red Lake / Follow Grande River / Cross the border, disappear / And never look back.” On visualise la route, l’asphalte, l’horizon comme une promesse.

Mais la vraie claque, elle vient à la fin. Ce “poids”, qu’on imaginait être un boulet, se révèle être tout. “But the little weight on her shoulders / Is worth everything to her / So she won’t vanish / No she won’t vanish.” Polair n’en fait pas des tonnes avec l’instrumentation. Chaque note est là parce qu’elle doit être là, chaque silence est un vertige. C’est ça, la force de Little Weight : une résilience qui ne dit pas son nom, une force tranquille qui vous serre la gorge. Ce petit poids, finalement, c’est tout son monde. Et le nôtre, aussi, un peu.


Sunshine : Une bouffée d’air frais dans le paysage rock !

L’été est là et Fabien Polair vient de lâcher une bombe de bonne humeur avec Sunshine, la pépite pop extraite de son dernier opus, Love, Loss & Side-Tales of Recovery, sorti le 23 mai 2025.

Cette huitième piste de l’album, un concentré de 2 minutes et 45 secondes de pure extase auditive, marque l’incursion la plus audacieuse de Polair dans le royaume ensoleillé de l’indie pop légère et pétillante.

Une mélodie qui sent bon l’été

Dès les premières notes, la production vous happe par sa simplicité trompeuse et son efficacité redoutable. Le joyeux tintement des ukulélés se mêle au rythme contagieux des claquements de mains, créant une toile sonore optimiste. Un riff estival parcourt le morceau tel un rayon de soleil, évoquant instantanément des images de journées insouciantes et de ciels azur. Cette base instrumentale radieuse est le parfait écrin pour les paroles, une ode entraînante à un partenaire de vie, véritable ancre dans le tumulte.

Des mots qui touchent au cœur

Polair ne tourne pas autour du pot : les paroles sont directes, touchantes, et dépeignent une affection profonde, un besoin mutuel, et ce sentiment de réconfort unique que seule une relation significative peut offrir. Et comme si ça ne suffisait pas, l’ancien guitariste d’UNaware, Eric Buron, vient poser un solo de guitare vers la fin, ajoutant une touche de sensibilité pop classique et une fioriture instrumentale qui, étonnamment, ne vient en rien alourdir la légèreté du titre. C’est l’équilibre parfait entre émotion et insouciance !

Influences lumineuses et un message universel

Sunshine dégage une aura qui n’est pas sans rappeler le charme mélodique de Noah and the Whale et les harmonies classiques et ensoleillées des Beach Boys. On y retrouve même un soupçon de l’esprit et de l’affection lyrique qui pourraient évoquer certains passages de “Perfect Lovesong” de The Divine Comedy. Composée sous le soleil du sud de la France durant l’été 2024, la chanson irradie la chaleur et l’optimisme de son origine.

C’est une déclaration d’amour sincère et charmante, un rappel puissant de l’impact simple mais profond qu’une autre personne peut avoir dans nos vies, agissant comme une source constante de lumière et de force. Comme le chante Polair : “I’ll keep that sunshine with me now / And for the rest of my life.”

Avec Sunshine, Fabien Polair nous offre un véritable bijou pop, à la fois intime et universel. Il prouve, une fois de plus, que les messages les plus percutants sont souvent délivrés avec les mélodies les plus simples et les plus joyeuses. Alors, branchez vos écouteurs et laissez-vous emporter par cette bulle de bonheur sonore !


Experiment : L’Écho Persistant d’une Question

Il y a quelque chose d’étrangement familier, presque de fantomatique, dans Experiment de Fabien Polair, non pas une nouveauté mais une réminiscence de 2000, enfin parée de mots en 2024, comme une lettre retrouvée posant une question oubliée.

Le morceau s’installe d’emblée dans un climat palpable, ses arpèges et sa ligne de basse drapésdans l’ombre du Pornography de The Cure, habitant cette mélancolie introspective, cette quiétude post-punk empreinte d’une discrète froideur.

Puis, une secousse : le refrain surgit, une éruption Pixies-esque de basse tourbillonnante et de

guitares distordues, où la voix de Polair délivre l’essence : “Life’s an Experiment”, une déclaration brute, chargée de l’imprévisible soubresaut du cœur.

Les paroles dessinent un arc narratif familier de quête et d’égarement (“getting lost on side paths”), avec des aveux fugaces de zones d’ombre (“A taste for underdogs and self-harm”), l’interrogation “Can I finally find myself back?” flottant dans l’air.

Au retour du refrain, “And I feel I’m coming home” est un soupir fragile, immédiatement nuancé par une cascade de doutes (“Is it real? Is all the testing now behind me?”), une humanité bouleversante où la paix est provisoire, et la vérité de “One day you fall, the next you float” durement acquise. Même quand la lumière pénètre avec des influences nouvelles (“A conversation divine divine”), l’ombre des anxiétés passées demeure (“Then terror to confine”).

Au final, Experiment s’abandonne à la puissance transformatrice du lien, passant de “Self-isolation and exile” à la “beautiful soul” qui “completes me and redefines me”, une résolution porteuse d’espoir, le confort discret d’une réponse, même temporaire, trouvée en l’autre.